Moscou - Russie - 26 Novembre 1990 à 22h22.

"Poussez Madame ! La tête commence à sortir, continuez de pousser !" Voilà ce que la sage-femme répétait sans cesse avant de me voir sortir complètement. Ma mère me racontait ce moment le sourire aux lèvres, elle se souvient de mon père qui criait en même temps qu'elle, qui tenait sa main et qui essayait de rester calme malgré les hurlements et les injures de sa femme. Elle me disait tout le temps que ce jour restera dans sa mémoire quoiqu'il arrive, qu'il restera le plus beau jour de sa vie. Après tout, avoir un enfant n'est-il pas la plus belle chose au monde ? Le mettre en monde c'est une chose, mais l'élever en est une autre. Bien que mon père ait été là le jour de ma mise au mise, dans mon enfance, il n'a jamais été présent, tout le temps en déplacement, ou bien trop fatiguée pour s'occuper de moi, je ne m'en suis jamais plaint, ma mère m'aimait pour deux. Je n'ai jamais manqué de rien, étrangement, le manque n'était pas présent. Ma mère m'a toujours éduqué dans l'optique de réaliser mes rêves. Elle me faisait toucher à tout. La musique, l'audiovisuelle, le dessin, le sport.. Il n'y a que le piano et la photographie qui m'ont attirés. A l'âge de 5 ans, un beau matin, ma mère est venue me chercher dans mon lit pour me porter jusqu'au grand salon de notre villa. Au milieu de la pièce trônait un magnifique piano à queue noire bien vernis. "Je ferais tout pour que tu réussisses" m'a t-elle dit. Elle l'a fait. Elle m'a prit des cours avec un apprentis qui avait pour ambition de devenir pianiste. Il avait 15 ans mais était déjà un prodige.

"Non, non, non Darcyleinn ! Concentre toi !" Je sentis son torse coller contre mon dos, son souffle dans mon cou et ces mains sur les miennes guidaient mes doigts sur les bonnes notes. Je frissonnais bien que j'étais une habituée de contacts plus plaisants. "Ne soit pas méchant" sifflais-je vexée par son attitude "Excuse moi, il ne peut en être autrement pour le moment. Tu viens ce soir ?" a t-il murmuré sur un ton de pardon. Un sourire accapara mes lèvres alors que je hochais la tête en guise de confirmation. Depuis deux années déjà nous vivions une histoire interdite, une histoire cachée que ne ne pouvions assumés au grand jour. Un homme de vingt-cinq ans et une adolescente de quinze ans qui était en plus élève et professeur ? Impossible à imaginer dans la famille stricte et fermée qu'étais la mienne. Pourtant nous ne pouvions nous en empêcher. La journée il n'était que mon professeur de piano, je devais l'appeler Monsieur et non Sergueï, je devais m'incliner quand il arrivait, je ne devais pas être familière, il m'était fortement déconseillé d'avoir un quelconque geste affectif à son égard. Il en était de même pour lui. En présence de mes parents ou de mes gouvernantes, j'étais Mademoiselle et lui Monsieur. Le soir, tous les deux, nous étions "Mon cœur" ou "Mon ange". Nous ne pouvions pas faire preuve de retenue, nous profitions l'un de l'autre de toutes les manières possible. Nous nous faisions des promesses, des caresses et des baisers cacher dans son appartement qui se trouvait au fond de notre jardin. J'aurais tellement aimer que cela reste aussi simple. Un soir, lors d'un dès rare dîner que nous passons 'en famille', j'eus l'impression que la terre était sur le point de s'effondrer. "Ma fille, tu es à présent une femme. Avec ta mère nous avons décidés que tu allais te marier." a dit mon père sur un ton calme et imposant. "Me.. Marier ? Mais avec qui ? Et pourquoi ?" paniquais-je. Mon fiancée n'était personne d'autre que le fils d'un richissime ami à mes parents, il était voué à un avenir prometteur, il devait récupéré l'usine de son père une fois que celui-ci ne serait plus capable d'assumer son rôle. Pourquoi ? Pour l'argent. Quel meilleur moyen d'avoir de l'argent sans faire n'importe quoi ? Le mariage arrangé bien évidemment. Je n'avais pas mon mot à dire, mais je ne pouvais pas me résigner à ça.

"Mon cœur, on ne peut pas.. Qu'arrivera t-il une fois que tes parents auront découvert ton départ et le mien avec ? Réfléchis. Avec lui, ton avenir est déjà tracée, tu n'auras pas à t'inquiéter de l'argent, tes enfants seront heureux et.." Il s'arrêta alors que je commençais à laisser mes larmes couler. "Je ne veux pas. Tu es le seul que j'aime, tu es le seul à qui j'ai tout donné et je veux continuer à te donner tout ce que j'ai. L'argent ne fait pas le bonheur, regarde, avant que notre histoire ne débute, je n'avais goût à rien, cette vie m'ennuyais. Je t'aime Sergueï, je t'aime et on ne changera pas ça, je t'aime et je ne veux pas faire semblant d'aimer un autre. Regarde nous, tu me dis que mon avenir est tracé si je me marie avec lui, mais nous sommes tous les deux nus sous ta couverture, moi dans tes bras, ta main sur ma hanche, ton visage à quelques centimètres du miens, on vient de faire l'amour et nous avons des milliers de promesses à notre actif. Tu ne penses pas ce que tu dis, je le sais, je sais aussi que tu m'aimes et que tu serais malade de me voir partir avec lui. Retiens moi Sergueï, retiens moi ne me laisse pas, je t'en supplie. Je mourrais sans toi, je n'aurais plus goût à rien. Je veux vieillir, je veux mourir, je veux vivre, je veux être heureuse à tes côtés. Si vraiment tu veux que je partes, mens moi. Dis moi que tu ne le veux pas. " Pour toute réponse, nous étions repartis pour une nuit d'amour. Il avait besoin de moi lui aussi. Après cette nuit, pendant les leçons de piano, j'eus souvent la visite de Vladimir, mon fiancée. Il était amoureux de moi et ne ce gênait pas pour le montrer devant mon professeur malgré mes recommandations. Ça n'a pas suffit.

"Alors Vladimir, elle est douée n'est-ce pas ?" demanda mon père qui arriva souriant. Je soupire d'agacement devant leurs airs narquois. Je n'étais qu'un objet pour eux. "Elle le serait encore plus si Monsieur arrêtait de la déconcentrer" Répondis mon professeur. Les hostilités débutaient. Les jours passaient et la situation se dégradait. Sergueï était la victime des fureurs de mon père, il était traité comme un chien par Vladimir, et le mariage approchait à grand pas mais je ne pouvais pas y échapper. Un jour de juin, la cérémonie débuta, tout se passait bien, mais au moment de dire oui, j'ai fais marche arrière, j'ai refusé et je suis partie en courant. Je rejoignis Sergueï à sa voiture et après l'avoir supplier nous sommes partis. Nous avons traversé la Russie et refais notre vie, il travaillait au conservatoire et moi j'étais serveuse dans un bar. A côté, j'approfondissais mes connaissances en matière de photographie. Il fallait bien que je m'occupe. Après plusieurs mois, je partis retrouver ma famille accompagnée de mon compagnon. Ils étaient là, assis dans le salon. "Papa, maman.. Je dois vous parler" annonçais-je. "Je viens vous faire mes adieux. Je ne veux pas me marier avec Vladimir, je ne veux pas vivre avec lui. Mon cœur appartient à quelqu'un d'autre".

Je revois la scène qui a suivit cette annonce, Sergueï qui se montre, mon père qui s'énerve, ma mère qui essai de le calmer, la bagarre qui éclate, mon père qui fait une crise cardiaque, mon Amour qui me prend le bras pour partir. Nous avons fuis les reproches, nos erreurs passées, nous étions en route pour une nouvelle vie. Nouvelle vie que nous avons finis par officialisé grâce à un mariage, et un enfant. Tout allait bien jusqu'au jour où Sergueï ne donna aucune nouvelles. Pendant une semaine je ne savais rien de lui, ni où il était, ni ce qu'il faisait, le bébé lui, grandissait dans mon ventre. A chaque fois que le téléphone sonnait je redoutais le pire, je craignais qu'il soit mort, chose qui a eu lieu. On m'a annoncé qu'il est mort dans un accident de voiture, je n'y ai pas cru, j'ai fais des recherches mais toutes me donnaient les même résultats. Il m'avait quitté contre son gré. Je suis tombée en dépression, j'ai perdue ma fille, mes parents me cherchaient.. Il fallait que je parte. J'ai quittée la Russie pour venir en Amérique, j'ai arrêté la musique, mais j'ai commencé des études dans le domaine de la photographie. Je couche avec tout le monde, je ne m'attache à personne, ma vie ne se résume qu'à fêtes, sexe, alcool, drogues.. J'ai tout perdu.

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